L’église de Saint-Casimir s’impose tant par le site de choix qu’elle occupe que par ses dimensions impressionnantes qui lui donnent des airs de basilique[1]. C’est sur la rive nord de la rivière Sainte‑Anne, tout juste en face du pont, que l’architecte Joseph-Georges Bussières (1869-1916) érige, en 1898, son œuvre qui sera sa « première composition vraiment originale[2] ». L’architecture et la grandeur de l’édifice témoignent de la prospérité du village au moment de sa construction.

Toutefois, c’est en 1843 qu’est construite la première chapelle de bois[3] qui fera aussi office de presbytère jusqu’en 1857. À son arrivée en 1847, le premier curé de la paroisse, l’abbé Thomas Larouche venu y célébrer la première messe le 9 octobre de la même année, loge donc au grenier de la chapelle. Il n’y a pas encore de presbytère, puisque cette paroisse est encore toute jeune, les habitants du Rapide, au nord de la seigneurie des Grondines, n’ayant obtenu l’érection d’une nouvelle paroisse qu’en 1836. Le nom de Saint-Casimir sera choisi en reconnaissance au notaire de Sainte-Anne-de-la-Pérade Louis-Casimir Dury (1792-1855), important donateur à la nouvelle paroisse pour la construction d’une première église.

Cette première église de pierre sera finalement construite en 1854, après les efforts du curé Jean‑Noël Guertin, arrivé à la paroisse en 1851, à peine âgé de 38 ans. Les coûts de cette église inspirée de celle de Coteau-du-Lac seront estimés à 9 600$[4]. La construction de cette église permettra, de plus, d’offrir au curé un presbytère enfin convenable. En 1857, alors que l’église vient tout juste d’être complétée, des travaux sont donc entrepris pour transformer la chapelle de bois en presbytère : plus question de loger dans son grenier! Cette reconversion sera utile pendant près de 20 ans, mais en 1875, la fabrique décide de reconstruire en neuf, au même emplacement[5]. D’ailleurs, un œil averti remarquera qu’encore aujourd’hui, une des pierres de fondation du presbytère porte le millésime de la construction de la chapelle de bois.

Les travaux de parachèvement de cette église de 1854 marqueront le début d’une période importante pour Saint-Casimir et la région.

« Pendant plus d’un siècle, du milieu du 19e siècle au milieu du 20e siècle, l’histoire de Saint-Casimir a été une véritable épopée de bâtisseurs.[6] »

En 1862, l’architecte et sculpteur de Québec Raphaël Giroux (1815-1869) est demandé pour réaliser les voûtes et les ouvrages intérieurs de l’église. Comme les travaux doivent durer quelques années, la famille Giroux s’installe au village. C’est le début de l’histoire des Giroux à Saint‑Casimir[7]. Au décès de l’architecte en 1869, ce sont ses fils Alfred (1845-1909) et Eugène (1848-1873) qui poursuivront le travail et qui auront le mandat des travaux futurs sur l’édifice.

Cette première église n’aura dominé le paysage qu’un peu moins de 45 ans, puisque déjà en 1898, on s’affaire à ériger un nouveau temple. Alors que la façade de la première église commençait à montrer des signes de faiblesse, les paroissiens voient grand et décident plutôt de construire en neuf, à l’emplacement même de leur église. Dans ce projet de grande envergure, seule la sacristie et sa chapelle néogothique de l’architecte Georges-Émile Tanguay (1858-1923), construite dix ans auparavant (1887) par Alfred Giroux, sera conservée.

À la fin du 20e siècle, Saint-Casimir est un village prospère et les dimensions impressionnantes de l’église de Bussières le reflètent bien : le bâtiment ne fait ni plus ni moins que 52 mètres de longueur et pas moins de 30 mètres de largeur aux transepts. L’église est bien plus grande que la précédente, mais c’est surtout en hauteur qu’elle gagnera sa réputation. C’est la voûte de la nef s’élevant à 16 mètres à la croisée du transept qui lui donne « une ampleur grandiose[8] ». À nouveau, Alfred Giroux et son frère Joseph (1864-1917) sont mandatés pour concrétiser les dessins de Bussières. Comme promis, l’église est prête en 1899 et sitôt on y installe le Christ en croix acheté à la Maison T. Carli, de Montréal[9]. L’année suivante, les cloches récupérées de l’ancienne église se font à nouveau entendre.

En 1902, le parachèvement de l’église reste à faire. Toutefois, celui-ci ne sera pas fait sans embrouille puisque Bussières dépose, cette année-là, un protêt pour être dégagé de toutes responsabilités si la fabrique décide de terminer la voûte en ciment et l’ornementation en plâtre. Ce n’est pas ce qui était prévu selon ses plans! Les travaux seront donc confiés à la firme Berlinguet & Lemay de Québec, où Philéas Myrand réalisera le décor intérieur[10]. Deux ans plus tard, l’ornemaniste Michel Rigali (1841-1910) met la touche finale et il ne manque plus que l’orgue Casavant[11] qui sera installé au deuxième jubé l’année suivante.

L’ilot paroissial, comprenant l’église, le presbytère[12] et le cimetière, sera complété en 1920 par l’ajout du monument du Sacré-Cœur[13] devant le parvis. Un peu plus au nord se trouve le vieux couvent[14] des Sœurs de la Providence (1890) et sur la rive sud de la rivière, sur la rue Notre-Dame, l’ancien collège Saint-Louis-de-Gonzague[15], tous deux aussi construits par les Giroux.

L’église de Saint-Casimir est riche en détails architecturaux qui en font une œuvre d’art en soi et sa valeur patrimoniale est qualifiée d’exceptionnelle pour la région. Bien de son époque, Bussières a dessiné une église caractéristique des goûts éclectiques de la fin du 19e siècle, où il a su harmonieusement conjuguer deux vocabulaires pourtant opposés : le gothique et le classique.

Construite en pierre à bossage de Saint-Marc-des-Carrières[16] et en pierre de taille pour les ornements et encadrements, l’église présente à première vue un plan typique en croix latine. Toutefois, les chapelles arrondies des transepts lui confèrent un plan octogonal inhabituel qui lui est unique dans Portneuf[17]. De plus, le chœur en saillie présente une abside en hémicycle qui abrite une galerie qui était réservée aux religieuses, ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom de « jubé des sœurs ».

L’architecte qui s’était fait la main quelques années auparavant à l’église de Grondines en redessinant les clochers dans le style néogothique[18] (1895) présente ici une façade monumentale entourée de deux clochers en saillie surmontés de flèches gothiques ornementées dans le style classique. Sur la façade, la baie en plein cintre – constituée de cinq arcs en plein cintre surmontés d’une rose – amplifie l’effet de grandeur et la réplique de la façade pour les portiques des transepts équilibre l’ensemble. Outre les flèches des clochers, les gâbles coiffant les portiques rappellent l’esprit gothique.

L’architecture néogothique de la sacristie et la chapelle de Tanguay (1887) contraste avec la forme plus classique de l’église de Bussières. Bien qu’elle soit plus modeste dans son ornementation, la sacristie se distingue par ses ouvertures en ogives, ses arcs en mitre et ses clés de voûte.

Le décor de l’église de Saint-Casimir est tout aussi harmonieusement réalisé que son architecture. On y retrouve une abondance de dorures et d’ornementations sculptées, comme les angelots de la nef, les rosaces des transepts et les roses du chœur, les colonnes en faux marbre surmontées de chapiteaux garnis de volutes et de feuilles d’acanthe, ainsi que les corniches en feuilles d’acanthe. L’église est baignée par une lumière chaude que laissent entrer les nombreuses fenêtres hautes et qui met en valeur son décor et ses boiseries.

À ce décor architectural aussi remarquable que soigneusement réalisé s’ajoutent quelques œuvres d’art, dont cinq sculptures de Louis Jobin (1845-1928) datant de 1900. Les statues de Notre-Dame de Lourdes, sainte Anne, saint Joseph et saint Jean-Baptiste logeaient auparavant dans les niches extérieures des transepts avant d’être exposées dans la nef, alors que la statue de saint Casimir[19] trône toujours sur le faîte de l’église, entre les deux clochers. De plus, trois tableaux complètent le décor intérieur. Une toile de Saint Casimir, qui provient de la première église et qui aurait été commandée à un peintre italien par le curé Guertin, domine le chœur et deux toiles réalisées en 1927[20] et destinées au jubé des sœurs, Saint Joseph et La Vierge, se trouvent aujourd’hui au-dessus des autels latéraux.

Au fil du temps, bien que l’église ait perdu ses autels de bois au profit de nouveaux autels en marbre polychrome et que le plancher de bois ait été recouvert de terrazzo en 1947, elle a su conserver les stalles du chœur, la balustrade, les confessionnaux de l’architecte Émile-Georges Rousseau (1888‑1973), ainsi que la chaire en bois verni et son escalier, qui sont une œuvre de menuiserie exceptionnelle.

L’église Saint-Casimir fait partie du circuit culturel Les voies du sacré de la MRC de Portneuf.

Pour en connaître davantage, visitez : www.lesvoiesdusacre.com.

L’auteure tient à remercier M. Gilles Naud et M. Paul Labrecque pour leur temps et leur aide précieuse.

BÉLAND, Mario, « Rigali, Michele », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 juin 2021, [En ligne].

Comité du 150e anniversaire de Saint-Casimir, Saint-Casimir, 1847-1997, [Saint-Casimir, Québec] : Comité du 150e anniversaire de Saint-Casimir, 1997, 368 p. : ill.

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Inventaire des lieux de culte du Québec, « Joseph-Georges Bussières (1869-1916) », Conseil du patrimoine religieux du Québec, 2012, [En ligne].

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TRÉPANIER, Paul, « J.-Georges Bussières et les églises portneuvoises », Continuité (50), Été 1991, pp. : 39-42.

TRÉPANIER, Paul, « Alfred Giroux (1845-1909) : l’architecte méconnu de la dynastie des bâtisseurs Giroux », Le Cageux, Saint-Casimir : Société d’histoire et de généalogie de Saint-Casimir 20 (1), 2017.

[1] Comme le disait le poète Alain Grandbois (1900-1975), natif de Saint-Casimir.

[2] Paul Trépanier, « J.-Georges Bussières et les églises portneuvoises », Continuité (50), Été 1991, p. 40.

[3] La première cloche de la chapelle, pesant 700 livres, a été bénite en 1847 et baptisée Marie-Anne-Luce-Philie. En 1851, la paroisse reçoit une seconde cloche qui sera baptisée Marie-Philie-Adélaïde-Des-Neiges.

[4] Ce sont les entrepreneurs Aggée Labelle et Henry Baribault de Coteau-du-Lac qui seront chargés de la construction de l’église.

[5] Pendant la construction du nouveau presbytère, afin que le curé puisse être logé convenablement, Alfred Giroux offre à ce dernier de louer une partie de sa maison jusqu’à ce que le presbytère soit prêt, pour la modique somme de 5$ par mois.

[6] Paul Trépanier, « Alfred Giroux (1845-1909) : l’architecte méconnu de la dynastie des bâtisseurs Giroux », Le Cageux 20 (1), Printemps 2017, p.7.

[7] En plus des deux églises de Saint-Casimir, les Giroux ont travaillé à la construction de nombreux bâtiments de Saint‑Casimir, dont le couvent des Sœurs de la Providence et le collège Saint-Louis-de-Gonzague.

[8] Paul Labrecque et Hélène Bourque, « Saint-Casimir : Église Saint-Casimir », Les églises et les chapelles de Portneuf. Cap-Santé, Québec : MRC de Portneuf, c2000, p.48.

[9] Autrefois sur le côté droit de l’église, le Christ en croix est déplacé au centre du chœur en 1947, alors qu’on enlève les autels de bois pour les remplacer par des autels en marbre.

[10] Il sera choisi de recouvrir les murs d’enduits à la Sélénite, alors que les moulures, les arcs doubleaux, les astics, les impostes et les corniches seront réalisées en ciment de Keene, soit en plâtre aluné. Les ornements seront quant à eux en plâtre, alors que les colonnes seront faites de « stuc », ou marbre artificiel. Tout l’ouvrage de sculpture sera coulé en plâtre sur des modèles de bois.

[11] L’orgue Casavant de Saint-Casimir comporte 27 registres, deux claviers manuels, un pédalier à traction pneumatique tubulaire et une soufflerie électrique.

[12] Le presbytère subit des modifications considérables en 1928. L’architecte Jean-Pierre Ouellet retire le vaste porche, la galerie et les lucarnes changent d’apparence et un étage est ajouté à l’annexe qui sert de cuisine, lequel est alors coiffé d’un fronton triangulaire.

[13] Le monument de J.-B. Savard aurait été érigé comme promesse contre la grippe espagnole. D’après certaines archives, ce serait Victor Delamarre, un homme fort dont la sœur résidait au village, qui aurait monté la statue sur le dôme de pierre ciselée chapeautant les douze colonnes de granit brun.

[14] Les religieuses ont quitté le couvent au début des années 1970. Depuis 2011, le bâtiment est reconverti en auberge.

[15] Le bâtiment abrite aujourd’hui des logements.

[16] La pierre ayant servi à la construction de l’église proviendrait d’une carrière qui était exploitée, à l’époque, par Georges Châteauvert.

[17] D’après ce qui aurait été une demande des paroissiens, le plan de l’église a été conçu de sorte qu’aucune colonne n’entrave la vue de l’assemblée pendant les offices.

[18] Pour se faire, il s’était inspiré de l’église de Longueuil et du Sacré-Cœur-de-Jésus à Montréal.

[19] Saint Casimir se reconnaît généralement par la mitre et la crosse d’évêque qu’il porte.

[20] Ces deux toiles auraient été réalisées par sœur Amélia de la communauté de la Providence de Montréal; voir Paul Labrecque et Hélène Bourque, « Saint-Casimir : Église Saint-Casimir », Les églises et les chapelles de Portneuf. Cap-Santé, Québec : MRC de Portneuf, c2000, p.49.

Projet réalisé par

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DIRECTION TECHNIQUE
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RECHERCHE
LAURA TROTTIER

RÉVISION DES TEXTES
ÉLIANE TROTTIER

PHOTOGRAPHIE
DENIS BARIBAULT

VISITE PANORAMIQUE
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INTÉGRATION WEB
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