Si la MRC de Portneuf regorge d’édifices religieux faisant montre du savoir-faire local, l’église de Saint-Alban en est un exemple notoire. Les talents de l’architecte Zéphirin Perreault de Deschambault, des Giroux de Saint-Casimir, de même que du sculpteur Louis Jobin de Saint-Raymond ont été sollicités pour mettre en œuvre cette église construite entre 1886 et 1888.

Dans les années 1840, la colonisation de ce qui était alors le 4e rang de la seigneurie de La Chevrotière va bon train. Si bien, qu’en 1850 les habitants font la demande à l’archevêque de Québec, Monseigneur Flavien Turgeon (1787-1867)[1], pour obtenir la fondation d’une nouvelle paroisse et l’autorisation pour construire une chapelle, comme les églises de Deschambault et de Saint-Casimir se trouvent bien éloignées.

Sitôt la demande acceptée, Liboire Pagé de Deschambault se voit octroyer le contrat pour la construction de la chapelle en bois[2] dont la pierre angulaire est bénie le 4 août 1853. Dès que celle-ci est achevée, en 1855, on procède à la construction du presbytère pour le curé. Il faut d’ailleurs se dépêcher, puisque le curé Pierre Dionne étant déjà arrivé à la paroisse, il doit loger chez un habitant, François Paquin, en attendant. La même année de la fondation de la paroisse, on procède à la bénédiction de la chapelle le 13 octobre 1856[3], mais ce n’est que trois ans plus tard, en 1859, que les plans de la sacristie et du décor intérieur sont dessinés par Joseph-Ferdinand Peachy (1830-1903). Le décor n’est finalement peaufiné que deux ans plus tard par l’architecte de Saint-Casimir Raphaël Giroux (1815-1869), alors qu’il élève le clocher par la même occasion. À peine quelques années plus tard, la chapelle n’est déjà plus assez grande pour le village en pleine expansion. Raphaël Giroux est à nouveau demandé, en 1865, pour ajouter des galeries et un jubé afin d’augmenter le nombre de bancs[4]. Dix ans plus tard, c’est son fils, Alfred Giroux (1838-1909), qui contribue à la chapelle avec la réalisation de l’autel et du tabernacle. Signe que le développement du village se fait à grande vitesse, en 1882 il faut déjà construire un nouveau jubé à la chapelle[5] et on en profite pour faire l’acquisition d’un harmonium chez Bernard & Allaire de Québec[6]. Malgré toute l’énergie et le travail mis pour leur chapelle, les Albanois se rendent à l’évidence : celle-ci ne suffit plus à leurs besoins.

Une nouvelle église est donc requise. Pour se faire, l’architecte Zéphirin Perrault (1834-1906) de Deschambault fait cadeau en 1884 des plans de la « seule église entièrement de son cru qui subsiste dans la région[7] » à la paroisse de Saint-Alban et ce sont les entrepreneurs Alfred Giroux et Damase Naud (1848-1916) qui ont la charge de la menuiserie et de la maçonnerie, respectivement[8]. Les travaux débutent le 6 mars 1886 et l’année suivante, à l’automne, Alfred Giroux réalise le décor intérieur de la sacristie d’après les plans de l’architecte George-Émile Tanguay (1858-1923). Le 27 juin 1888, c’est enfin la bénédiction de la nouvelle église[9] ! Toutefois, tout l’intérieur reste encore à faire et Alfred Giroux se met à nouveau à l’ouvrage à l’été 1890 pour entreprendre les travaux du décor intérieur dessiné par Tanguay, ainsi que le mobilier, dont la chaire et les autels latéraux. Pour compléter le mobilier, on récupère le maître-autel de l’ancienne chapelle. Ce n’est qu’en 1891, le 16 juin très exactement, que le parachèvement du nouveau lieu de culte est complété[10].

Bien que la chapelle de 1855 semble aujourd’hui disparue, un œil averti saura reconnaître celle-ci dans le presbytère de la paroisse. En effet, en 1889, on profite de la chapelle désormais vacante pour la convertir en presbytère plus spacieux. Le toit de la chapelle est alors reconstruit et une partie du plan est coupée pour lui donner des dimensions plus convenables pour une demeure. Par ailleurs, la sacristie est conservée intacte afin d’en faire la cuisine et les chambres pour les serviteurs![11] Le premier presbytère de 1855 sera quant à lui habité pendant un moment par le sacristain, puis fera tour à tour office de salle paroissiale et d’école. Le cimetière, où se trouve un calvaire abritant un Christ en croix de Louis Jobin, de même qu’un charnier[12], complète l’ilot paroissial.

L’architecture équilibrée et les bâtisseurs qui ont œuvré à l’érection de l’église de Saint-Alban lui donnent toute sa richesse et sa valeur incontestable pour la région. Son extérieur classique présente une façade surmontée de deux clochetons de chaque côté du clocher central en saillie. Le plan architectural classique de forme rectangulaire, doté d’un chœur en saillie dont l’abside est en hémicycle, ne laisse pas présager l’effet de grandeur de la nef à trois vaisseaux. De plus, les doubles jubés arrières, dont le plus élevé accueille l’orgue Casavant de 1940[13], ainsi que l’élévation du chœur par rapport à la nef contribuent à l’impression de hauteur de l’église. Cette grandeur, tout comme les voûtes d’ogives des vaisseaux latéraux, donne au temple un esprit gothique qui s’harmonise aux éléments de style classique, comme les demi-colonnes corinthiennes.

Le décor intérieur, finalisé en 1891, a été soigneusement réalisé, comme le démontre « l’élégante courbe du deuxième jubé[14] ». Toutefois, celui-ci a quelque peu perdu de son lustre lors des travaux suivant le renouveau dans les années 1950 et 1960[15] : l’intérieur est entièrement repeint et le faux marbre, réalisé en 1907 par Jos-Honoré-A. Marcoux, de même que la polychromie de la voûte disparaissent sous les coups de pinceau. À la même époque, les bancs, les portes et les vitrages sont remplacés et l’abat-voix de la chaire, les lustres et les consoles des statues du chœur sont enlevés. De même, si aujourd’hui la chaire se trouve bien en vue à la gauche du chœur, celle-ci était plutôt accrochée à la première colonne de la nef jusqu’en 1956. La table d’autel ainsi que l’ambon, qui prennent place dans le chœur, ont été réalisés par Raymond Robitaille en 1986.

De plus, plusieurs tableaux ornent l’église : l’Apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque[16], trois tableaux de Mario Mauro (1920-1985) achetés en 1956 pour orner le chœur – Saint Alban, L’Ascension du Christ et L’Assomption de la Vierge – ainsi que deux tableaux se trouvant dans les chapelles latérales, Sainte Famille et Notre-Dame du Scapulaire du Mont-Carmel[17]. L’église de Saint-Alban peut aussi s’enorgueillir de posséder trois statues du sculpteur portneuvois Louis Jobin, dont la Vierge et saint Jean qui se trouvaient jusqu’en 1980 avec le Christ en croix dans le calvaire de 1906. En plus de celles-ci, on retrouve une statue à l’apparence bien différente de celles que l’on retrouve généralement dans les églises du Québec, qui se distingue par son style flamand : il s’agit d’une statue de sainte Anne ayant été achetée à Gand[18], en Belgique, par un curé de la paroisse. Enfin, on y retrouve un chemin de croix de 1944 ayant remplacé celui de 1888.

À l’instar de plusieurs paroisses, une tribune pour crieurs a été installée près de l’église en 1907[19]. La criée était une vente aux enchères publique dont les profits, remis au curé, servaient à faire chanter les messes pour les défunts.

L’église de Saint-Alban n’en est pas à une histoire près en ce qui concerne ses cloches et son clocher. Dès la construction de l’église, l’entrepreneur Alfred Giroux conseille de recouvrir les clochers de tôle galvanisée. Toutefois, pour faire des économies, le notaire Léon St-Amant décide de son propre chef qu’ils seront plutôt recouverts de fer blanc. Résultat ? À peine sept ans plus tard, le recouvrement arrache lors d’une tempête, ce qui laisse pénétrer l’eau dans l’église. Il n’en fallait pas plus pour créer une chicane de village[20] !

En 1977, le clocher fait de nouveau des siennes! Cette fois-ci, il menace tout simplement de tomber. Pour réparer le clocher, il faut alors descendre sa croix à l’aide d’un hélicoptère. À l’été 2020, le clocher de l’église présentait à nouveau des signes de faiblesses, comme quoi son instabilité fait partie de son histoire.

L’histoire d’un clocher, c’est aussi celle de ses cloches. La première cloche à résonner à Saint-Alban, qui ne pesait pas moins de 300 livres, a été offerte par la fabrique de Deschambault en 1856 pour la chapelle. Toutefois, on doit attendre au 18 décembre 1856 avant de la bénir, puisque celle-ci étant usée et cassée doit d’abord être refondue à Trois-Rivières. Le 26 octobre 1890, c’est la bénédiction de la première cloche de l’église, baptisée Marie-Joseph-Léon-Alexandre et achetée à Baltimore aux États-Unis. Celle-ci plus petite – elle pèse seulement 220 livres! – est destinée au petit clocher surplombant le chœur. Quatre ans plus tard, les trois cloches du grand clocher provenant aussi de Baltimore sont enfin montées.

L’auteure tient à remercier M. Pierre Naud pour son aide et les précieuses informations apportées.

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[1] Monseigneur Pierre-Flavien Turgeon a été archevêque de Québec de 1850 à 1867.

[2] D’après les archives paroissiales, Liboire Pagé aurait été payé la somme de 528$ pour la construction de la chapelle.

[3] La même année, en 1856, Candide Henry, menuisier de Deschambault, et Honoré Marquis, menuisier de St-Alban, sont mandaté pour faire les bancs de la chapelle; d’après les archives de la paroisse.

[4] La chapelle de Saint-Alban comptait alors 177 bancs; voir St-Alban : 125 ans d’histoire.

[5] C’est Alfred Giroux qui se charge de ce nouveau jubé, pour la somme de 340$; voir St-Alban : 125 ans d’histoire.

[6] À l’époque, il en a coûté 220$ à la paroisse pour faire l’acquisition de cet harmonium; voir St-Alban : 125 ans d’histoire.

[7] Paul Labrecque et Hélène Bourque, Les églises et les chapelles de Portneuf, Cap-Santé, Québec : MRC de Portneuf, c2000, 75p.

[8] Ils obtiennent ce mandat en 1885; voir Les églises et les chapelles de Portneuf.

[9] C’est Monseigneur Charles-Édouard Poiré (1810-1896) qui a fait la bénédiction de l’église. Toutefois, ce n’est que le 28 juin 1891 qu’on en célèbre, lors de la Fête-Dieu, l’ouverture officielle, celle-ci étant alors complétée; voir St-Alban : 125 ans d’histoire.

[10] Il est estimé que le coût total de la construction de l’église aurait été de 39 000$ à 40 000$; voir St-Alban : 125 ans d’histoire.

[11] Le presbytère a été vendu en 1982 et est aujourd’hui reconverti en résidence pour aînés. La paroisse de Saint-Alban étant habile dans la reconversion de ses bâtiments, la sacristie de l’église a été réaménagée en logement pour le curé en 1993.

[12] Un charnier est un bâtiment à proximité du cimetière où étaient entreposées les dépouilles qui ne pouvaient être inhumées durant la saison hivernale.

[13] En plus de l’orgue, l’église de Saint-Alban possède un orgue Hammond situé devant l’autel latéral gauche, de même qu’un harmonium Dominion Organ Co. de Bowmanville (Ont.) dans la sacristie.

[14] Hélène Bourque et Paul Labrecque, « Église Saint-Alban. Saint-Alban », Inventaire et évaluation patrimoniale des églises de la MRC de Portneuf : rapport d’expertise, [Portneuf] : Comité multisectoriel du patrimoine religieux de Portneuf, 2000.

[15] Déjà en 1929, de grandes rénovations avaient été faites par Victor Dionne de Saint-Marc, lors desquelles l’intérieur de l’église aurait été repeint et redécoré.

[16] Ce tableau, acquis en 1887, prenait place au-dessus du maître-autel jusqu’en 1956, année où il a été déplacé à l’arrière de l’église.

[17] Ces tableaux sont plus anciens et il est probable qu’ils proviennent de la première chapelle. (Églises et chapelles)

[18] Cette statue aurait été réalisée par Jens Mathias en 1891 à Gand, en Belgique; voir Inventaire des biens culturels, Ministère des Affaires culturelles.

[19] D’après les archives paroissiales.

[20] Informations provenant d’un travail universitaire, L’Église de St-Alban, remis par Denise-H. L’Écuyer à M. Jacques Robert dans le cadre du cours HAR-16539 de l’Université Laval le 4 juillet 1980.

Projet réalisé par

Équipe

DIRECTION TECHNIQUE
AARON BASS

RECHERCHE
LAURA TROTTIER

RÉVISION DES TEXTES
ÉLIANE TROTTIER

PHOTOGRAPHIE
DENIS BARIBAULT

VISITE PANORAMIQUE
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INTÉGRATION WEB
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